La chronique du Dr CPJ - C'estPasJust, chronique informative et politiquement incorrect.
Mar 8 Déc - 21:18 par Dr CPJ
Je repensais à ce que quelqu'un nous a dit en claquant la porte. D'ailleurs, un écho s'est glissé par la fenêtre après son départ en haussant les épaules et en dandinant du cul : Nous sommes fragiles et vacillants comme la flamme d'une bougie, trop instables pour qu'on y consacre son énergie créatrice.
C'est difficile de répondre à un écho. ça vient de loin, c'est aussi franc qu'un …
Ici au moins on respire. Y'a moins d'ordure et plus d'arbres, alors c'est mieux. Pour respirer je veux dire. Pour parler, moins. Ca tombe bien. J'ai pas envie de parler.
Je suis bien ici tout en haut, je vois tout et c'est vert, du vert de feuillage bien tranquille qui se balance au vent. Calée tout en haut d'un arbre où personne ne montera, d'abord pasque les rampants sont trop lourds, et puis pourquoi faire, qui serait assez con pour aller se foutre en haut d'un arbre, je vous le demande, hein ? Personne. Et ça m'arrange.
Bien cachée dans les feuilles, en plus pour une fois j'ai viré le rouge et je suis passée au vert, pasque j'ai pas envie de me faire voir, y'a presque personne d'accord, mais presque c'est encore un peu trop. Des fois ça arrive comme d'avoir pas envie de faire semblant de sourire. Ou de dire des choses à des gens. Toute façon, les gens, hein... Entre ceux qui veulent du fric et ceux qui veulent du pouvoir et ceux qui veulent du sang et ceux qui veulent du cul... c'est bon, j'ai fais le tour, là. J'ai tâté des quatre catégories, et j'ai rien vu dans aucune d'elles qui me donne envie de rester là. Tant pis pour mon clocheton lonedonnien qui prend la poussière et la pluie. Je nettoierai quand je rentrerai. Si je rentre. Les arbres ça a ça de bon qu'il faut pas y faire le ménage.
Pffffff... Et puis pourquoi ça me donne même pas envie de sourire toute cette beauté verte qui danse pour moi toute seule ? Ptêt pour ça, tiens... Y'a que moi qui la vois. C'est ni du fric, ni du pouvoir, ni du sang, ni du cul... Alors pour tous ceux d'ici ça vaut pas un pet de rat. C'est dur d'aimer un truc qui vaut pas un pet de rat. C'est dur d'être toute seule en haut d'un arbre caché parce que les autres sont tellement brutaux et grossiers qu'on a peur de se faire froisser comme un petit papier de soie... A respirer tout cet air qui n'a jamais été respiré par personne. A écouter des voix venteuses qui ne disent rien. A ne goûter que les caresses des feuilles tendres, elles, au moins... Jolies feuilles délicates... ça change des grosses paluches poilues des deux sexes qui s'abattent sur les fesses avec un gros rire gras. J'en pouvais plus de ça. C'était mieux de garer mes fesses en haut de l'arbre... Vraiment mieux, en fait... Entre les arbres et les gens, je trouve les arbres mieux élevés, au sens propre et au figuré... Les arbres vous offrent la vue sur le monde. Les gens, eux, c'est plein la vue qu'ils vous en mettent, ou dans la vue, c'est selon... La voix des arbres est douce, alors qu'eux ne font que gueuler, les gens... J'aime pas les gens. Je les aime plus.
Alors j'enlace mon arbre et je lui fais des doudouces sur l'écorce et je pose ma joue sur son tronc et je ferme les yeux... Et lui il me berce et il chante... Il me demande rien du tout. Ca m'arrange. J'ai rien à donner.
J’ai un air dans la tête, une mélodie jouée du bout des doigts, un quatuor où le pouce ne sert à rien, juste à mettre un bémol le moment venu. J’aime cet air, mais ce que je préfère c’est quand tout s’emballe, quand la mélodie s’étoffe et que les cymbales, les instruments à cordes et à vent, explosent par mille sons harmonieux, tous ensembles, et là, à ce moment précis, la peau se recouvre de frisson, un mélange de douceur et de violence, le tout assaisonné à la sauce euphorie. Je suis jamais allé à l’opéra. Pourtant, je frissonne avec mon air que je trimballe dans la tête. Ça doit être le piano mécanique de la taverne qui me trotte encore dans la cervelle.
Aujourd’hui, j’ai quitté la cour, les miraculés, les trottoirs crasseux de Lonedonne, pour m’offrir ce luxe impayable de ne rien faire, de goûter tout simplement au bonheur tranquille de l’oisiveté. J’ai troqué mes hardes trompeuses, j’ai pris cette mélodie pour me tenir chaud et accompagner mes pas, le long d’un sentier pris au hasard, loin de la ville et de son bruit, l’âme à la dérive, le cœur à l’ouest mais léger. Parfois, il faut savoir laisser derrière soi un quotidien qui peut être pesant, pour ne pas qu’il devienne cette chaîne soudée à la cheville, alors je m’évade, je courre dans les ruelles sales, je respire comme je peux, au milieu de tout ce foutoir ambiant, et je fuis, haletant, jusqu’au frontières du plus loin, la bas, quelque part, où le hasard pousse mes pas.
C’est ivre de liberté, le cœur battant, appuyé contre le tronc d’un arbre majesté que j’ai entendu ses soupires. Comme un souffle triste, un souffle qui fait mal si on l’écoute, si on le reçoit dans le visage ou dans le cou, souffle pourpre au cœur blessé. Comme un zeste de pureté, une caresse délicate sur la joue et qui ripe, qui griffe, qui démange, parce qu’il est douloureux au fond, et qu’on ne peut pas le laisser ainsi, voguer n’importe où et s’élancer vers n’importe qui. Faut pas salir ce genre de chose. Alors.. Alors, j’ai agrippé ce soupire, souffle maladroit, malheureux, dérangeant et j’ai relevé le menton, soulevé le regard jusque là haut, au milieu des branches et des feuilles.
Ma première idée était de secouer le cocotier pour en faire tomber le fruit, mais ce serait cruel. Et puis… je n’ai pas envie de le recevoir sur le coin de la tête. Si le fruit est trop mûr, ce sera salissant, s’il est encore vert, ça risque de faire mal. Finalement, le chaton qui fait ses griffes sur l’écorce n’a qu’à pointer le bout de son nez. Je ne suis pas pressé, je vais attendre, ma mélodie dans la tête et l’air un peu bête.
Arlequin
Age : 45Gang : Les Paillard du désert Race : ZumainDate d'inscription : 17/07/2008
Ouais je sais et je m'en fous. Y'a quelqu'un en bas. Eh ben qu'il y reste, il se fatiguera avant moi. Rien à caler de ce qu'il fait là, tant qu'il joue pas de la hache sur l'écorce. ...
Ah. Ca c'est plus ennuyeux. Il s'attarde. Peut-être qu'il m'a vue ? Pas possible je suis trop haut. Entendue alors?... J'aurais pleurniché trop fort ? Eh meeeerde.
Je glisse un oeil le long du tronc vertigineux, et là, tout en bas, il y a un visage levé. Je me bouffe la lèvre inférieure. Merde et re-merde, je suis vue, là. C'est bien vers moi qu'il regarde. ... Bon je fais quoi ? Je fais semblant de rien ? Trop tard. Je lui balance un truc sur la tronche ? Bof. Pas très juste quand même, à part venir me débusquer il a rien fait de mal en fait. Alors quoi ? Je descends ? J'ai pas envie de descendre. ... Booooon, ça vaaaa, ça vaaaaa ! J'y vais, là. Pffffff.
Je me laisse tomber de mon refuge tout là-haut dans le vert tendre, et le sol me rappelle. Les ailes ouvertes, je glisse sur l'air, en spirale autour du tronc pour éviter les branches l'une après l'autre comme autant des marches de l'escalier d'une tour. J'en touche une du bout du pied, parfois. Juste parce que l'arbre me rassure.
A chaque spire je le vois mieux, un zumain, grand et brun, avec un air de déjà-vu quelque part... Faut que je me passe une manche sur les yeux, ils sont un peu brouillés, mais j'ai pas de manche alors tant pis.
Je m'arrête sur l'une des branches basses. Enfin, basse, basse, faut rien exagérer. Y'a quand même un bon trois mètres entre mon perchoir et le sol. Distance de sécurité... Je m'assieds dans une fourche, une jambe pendante, la tête penchée noyée de cheveux. Je dois avoir l'air buté d'un gosse qui boude alors que je le détaille et que je le reconnais.
C'est le type de la plage. Celui que j'ai pris pour un prince. Notez, ça m'arrangeait bien, j'avais justement envie de rencontrer un prince, il avait l'allure de l'emploi, et quelques airs qui collaient pas mal avec le personnage. Il a joué au prince et moi j'ai joué à le croire. C'était doux. Mais les apparences fondent avec le temps qui passe et bien avant la fin de l'histoire, il a disparu. Ceci dit c'était le bon moment. Un peu plus tard, ça m'aurait fait du mal, peut-être. Même comme ça ça m'en a fait. Ca sert à rien de le nier. Enfin le lui nier à lui, oui, évidemment, avec véhémence et férocité, mal, moi, jamais, hahaha, penses-tu, des comme toi j'en bouffe quatre tous les matins pour l'hygiène. Mais avec soi faut être honnête sinon on n'en sort pas.
Je le fixe à travers mes cheveux, depuis ma branche, le pied qui se balance et les bras crispés. Je renifle un petit coup, ça fait dur, et puis ça tord le cou à mes dernières chiâleries. Envie de lui balancer un "qu'est-ce que tu regardes ?" bien agressif, mais ce serait me défouler sur lui de ma mélancolie, c'est pas juste et c'est mal. Mais va quand même falloir que je dise un truc, on va pas rester comme ça à se regarder en garniture de cheminée...
... T'as un truc, là. C'est pas une algue cette fois-ci.
Finalement, je me suis pas perdu, j’ai suivi un trait de caractère, la mélodie enchantée qui trotte dans ma tête et pousse chacun de mes pas, guide du suivant ; jusque là tout va bien, c’est ce que disent certains, les gens tristes, les gens seuls et qui n’attendent plus qu’une chose, que la branche sur laquelle ils sont assis, soit sciée.
Compte pas sur moi pour la scier ta branche, j’en ai vu des pires et des meilleurs, et j’ai pas l’intention de prendre ton chagrin pour le mien, chaque jour suffit à sa peine, la mienne, alors garde la tienne pour un autre, un passant qui passera et qui trouvera un intérêt dans ton désœuvrement, ou un voleur de corps qui te fera croire que lui, peut t’apporter un ciel bleu et chasser les nuages des pays du Nord de ta cervelle bousculée.
Je vais seulement rester là, sans bouger, et je vais attendre que ta chevelure qui noie ton regard se fatigue d’en cacher la lumière. C’est bien ça, attendre, et je vais même pas faire attention à ce bout de branche qui a l’air de plus t’intéresser que la main que j’aurais pu te tendre, parce que je tends pas la main vers un désespoir insipide, un de plus qui va m’écorcher la peau et me faire hurler le soir comme un loup qui a perdu sa meute, ou sa traînée de louve qui a choisi un male plus jeune.
Fait pas celle qui comprend pas, tu sais de quoi je parle, on se connaît toi et moi, on a failli s’envoyer dans les nuages et derrière les fourrées, si seulement tu m’avais suivi, si seulement… Mais non, madame a son petit caractère, sa lumière qui éclabousse tout autour d’elle et si on fait pas son caprice du jour, on se le reçoit en pleine figure. C’est malin tu va tacher mes fringues avec ta peine.
J’ai l’amertume des jours sans fin, un peu de rancœur des auberges rouges et l’humeur des Arlequino arbre généalogique au complet. Ça doit être pour ça que j’ai grimpé dans l’arbre, oui ça doit être pour ça, et peut-être que c’est pour ça que j’ai rejoins la même branche que toi, là haut, sur ton trois mètres perchée et peut-être aussi que c’est pour ça que je me suis assis à cheval sur la branche, tout près du tronc, loin de toi, de ta peine, de ces larmes que je devine mouiller encore ta joue, sa douceur que j’ai déjà effleurée, touchée du bout du doigt, enveloppée sur sa tendresse et puis ramassée là, pour l’emporter loin de ta joue, pour que cette mèche, là, cette si jolie mèche qui pend sans vouloir rien dire et je ne voulais pas qu’elle s’abîme de ta larme, alors je l’ai prise et enlevé, kidnappé pour ne pas que le triste se voit et puis… Et puis, je crois que j’ai pris mon doigt pour une plume sans encre et que j’ai dessiné des sourires dans tes yeux, un peu sur tes lèvres, ou alors c’est ton sourire que j’ai redessiné du bout de ce doigt qui n’attendait plus que ton regard pour devenir ce peintre célèbre qui aura rendu le sourire à celle qui l’avait égaré dans un trou de tiroir.
Et même… Même, que sur cette branche, perché la haut de ces trois mètres, près de toi, maintenant, je repousse cette si jolie mèche derrière ton oreille, pour en faire ressortir le lobe, fin et fragile, si parfait, si tentant pour un baisé de lèvres, un câlin de plume qui fait sourire la peau, tout en frisson, tout en berne délicate et fraîche comme le regard que je t’offre œil pour œil, doigt entremêlés avec les tiens, aussi fin qu’une airelle qu’on écrase pour en boire le jus.
Peut-être même que sur ta branche, finalement, tu n’es plus aussi seule que tu le croyais, et peut-être que sur ton visage, maintenant, c’est un sourire qui a remplacé le dessin d’amateur que j’ai esquissé, juste comme ça, pour le plaisir du plaisir de te voir sourire, et peut-être… oui, peut-être vas-tu rire, maintenant…
Arlequin
Age : 45Gang : Les Paillard du désert Race : ZumainDate d'inscription : 17/07/2008
Je sais pas, peut-être pas tout de suite, rire... Sourire c'est déjà bien, très bien, bien plus que tu ne l'imagines. Il est encore un brin mouillé, ce sourire, mais peu importe, ça lui donne plus de brillant, plus de relief, c'est comme une lumière qu'on voit mieux parce qu'il reste un peu d'ombre à côté.
Je me suis demandé ce que j'allais faire quand je t'ai vu grimper. Si j'allais fuir ou rester. J'avais autant envie de l'un que de l'autre, alors j'ai perdu tout mon temps à hésiter. Et puis à un moment ben il était trop tard pour décider alors je suis restée là. Faut dire que c'était un peu difficile de savoir si c'était de la chaleur ou du froid qu'il y avait dans tes yeux. Même la chaleur, c'était de la chaleur pas tout à fait douce, il y avait de la rancune et ça m'a pincé méchant, là à gauche. Elle m'a fait honte ta rancune... Comme si je l'avais pas méritée. Et j'ai eu envie d'ouvrir la bouche pour râler et dire que c'est même pas vrai, c'est même pas tout ma faute, c'est toi qui as lâché ma main à un moment pour danser sous la lune, et les ombres qui se sont animées autour de toi m'ont fait peur. J'aurais dû foncer me cacher sous ton bras et tu m'aurais souri et dit de ne pas trembler et tu te serais un peu moqué et tu m'aurais dit leur nom. Au lieu de ça je suis restée cachée et je t'ai regardé partir au milieu des ombres dansantes et j'ai pas fait un geste et pas dit un mot. Et je me sentais mal et moche et toute petite...
Mais j'ai rien dit pasque ça sert plus à rien de parler. Ca sert à quoi de savoir la faute à qui, on s'en fout, c'est passé, c'est fini. L'important c'est qu'on est deux sur cette branche, je suis plus toute seule. Et qu'au lieu des caresses des brises d'été et des feuilles tendres ce sont tes doigts qui me réveillent ce sourire endormi depuis trop longtemps. Marrant, voilà que je repars dans mes histoires de gamines où les princes réveillent les belles qui dorment. Et puis zut après tout. C'est joli les histoires. C'est pour ça qu'on les raconte. Tant qu'on sourit à la fin, une fois qu'on a tourné la dernière page, c'est que c'était une bonne histoire. Celle que je me racontais jusqu'à il y a une minute, elle était nulle. C'était une histoire à rendre triste. Une histoire qui sert à rien.
C'est vrai, c'est bien mieux de sourire. De sourire à rien, c'est qu'on est juste heureux, c'est bien. De sourire à quelqu'un, c'est encore meilleur, c'est du soleil qu'on donne. Et qu'on reçoit. Tu souris aussi, tu sais ? Je vois pas bien ta bouche, t'es trop près, mais je vois le sourire qui étire un peu tes yeux et qui les fait briller. Drôle de miroir où je suis plus jolie que nature, ça donne envie de plonger dedans, difficile de se retenir, et de se dire que c'est juste un mirage... Ca se comprend que tant d'ombres viennent s'y mirer, pour devenir des clartés... C'est vrai, y'a tant de regards dont on sort souillé, alors des comme ça c'est rare et c'est précieux. Après tout je suis rien qu'une fille, les filles c'est un peu rapace, un peu pie, quand quelque chose brille, elles veulent se le chaparder et le garder bien à l'abri là où elle pourront le contempler en secret, puis le ranger bien à l'abri des convoitises. Donc voilà c'est pas ma faute, en fait. Juste une fille avec un peu trop de peur et de fierté. CQFD. Rien de bien méchant, hein ?
Ceci dit c'est pas le moment de retomber dans l'ornière, et d'oublier ce que je suis. Même si tes yeux disent merveille, moi je sais que c'est juste moi qui suis là, avec les petites choses sales et mesquines qui me traînent dans la tête, comme dans toutes les têtes du monde. Je veux pas que ça se dilue encore une fois, ce serait trop bête, j'en ai bavé toute seule en haut de mon arbre pour comprendre, au moins que ça serve, quoi, merde ! Donc, première chose à faire, faut que je lâche tes yeux, c'est forcé. Bon. Courage.
... J'ai pas trop mal réussi je trouve. Il a quand même fallu qui je te chipe un baiser, un tout petit, il ne te fera pas défaut, promis. Je te le rendrai même si tu veux, mais bon, gaffe, là, on est haut perchés, trop pour se choper le vertige... Déjà comme ça, il était une fraction de seconde trop long pour pas que je me sente vaciller un peu. Mais c'est pas pour ça que je me tasse contre toi, le front en-dessous de ton oreille et un bras serré autour de ta taille. Ca c'est juste pasque j'en avais envie. C'est la meilleure des raisons, non ? Envie de me coller dans ta chaleur et de m'y laisser aller comme un petit bout de chiffon, avec un soupir heureux. Vais pas encore me trouver des excuses foireuses... J'en ai envie, si tu veux bien me laisser faire, je le fais, point. C'est simple... Ca fait du bien parfois quand c'est simple, non ?
Donc voilà, Je me serre et si t'es pas d'accord, t'as qu'à dire non après tout. En attendant je me réchauffe le coeur, tout doucement. Je profite de ma solitude qui est devenue la nôtre. Personne pour juger, personne pour voir. 'reusement d'ailleurs. Je me demande de quoi on a l'air, là, posés sur notre branche, comme un drôle d'oiseau avec trop de pattes et des ailes de papillon. Tiens, le voilà, ton rire. Comme quoi...
Tout ça c’est si haut. Tu n’as pas vu les nuages dans ma tête, ces orages que les autres ne voient jamais, je sais bien mentir et me cacher derrière un masque de clown, et les misères, je les entasse derrière pour pas que ça se voit. Tu comprends, faut pas qu’on voit ma misère, cette puasse qui me colle aux basques et que je peine à me débarrasser. Alors voilà, je ris et je souris à tout le monde, je singe des pitres idiots, les chats de gouttière ou les héros bons marchés, et je garde tout ce tas de tristesses dans mon cœur, bien serré, là où je sais que personne ne viendra le chercher, et pour le trouver faut d’abord savoir ce qu’on cherche. Le clown, ça attire pas le chercheur de misères, ça fait rire et c’est triste ces putains de clown, mais tout le monde sait ça, tout le monde connaît le clown triste sauf que… tout le monde s’en fout, au fond, du clown triste, parce que c’est son masque qu’on vient chercher et c’est un quart d’heure de joie qu’on paye, pas ces malheurs, non, ça on s’en fout.
Qu’importe si le spectacle terminé, dans sa loge barbouillée de tissu coloré, devant son miroir en cadre de bois, le clown tache son visage de larmes, seul, derrière son maquillage blanc qui s’effrite comme un pain sec et qui craque d’avoir trop ri. Qui ça intéresse de savoir qu’après chaque rideau baissé, il prendra son visage entre ses mains pour pleurer comme un enfant qui s’est égaré dans sa chambre et qui a peur du noir, de l’absence, des pas d’une mère indigne et répugnante, les corbeaux de ses rêves, les cauchemars qui hantent ses nuits et qui parfois, grincent du pied sur le plancher de bois pour venir salir sa nuit. Tu sais, ce grincement, il ne pourra jamais l’oublier. Qui se souci qu’un roi des scènes qui font rire, ce prince des courbettes ridicules, ce bouffon sans roi au public qui l’acclame, ce roi là, il est plus seul que l’herbe grasse au cœur d’un désert de pierres et de cendres.
Mais… on s’en fout du clown ! Surtout qu’il a qu’à parler et se raconter, et puis se répandre comme c’est si facile pour certain. Et puis, on s’en fout, c’est sa vie, pas la notre, pas la mienne.
C’est moche un clown, c’est même pas drôle, y a que les enfants qui se marrent devant cet imbécile heureux… heureux… que les enfants qui continuent à aimer les pitreries du clown. Nous, on le sait bien que c’est que des pitreries, rien que des trucs pour faire rire les gosses, même si les adultes y croient encore. Tant mieux pour eux, tant pis s’il est triste devant son miroir au cadre de bois, tant pis si son maquillage va couler sur sa joue et y faire des traces grotesques.
On s’en fout nous, on est bien là haut perché de trois mètres, là haut tout là haut, si haut… si haut !! Si haut, que les larmes sécheront avant de toucher le sol, et pis on s’en fout de tout ça, parce que c’est de la boue, de la boue !! Nous la misère on se la colle sous le bras pour en faire de la semoule à couscous et on le bouffe avec les doigts, parce que c’est degueu et que c’est chouette quand ça colle aux doigts et qu’on en a plein la figure, des graines de couscous, et que ça cache les larmes et les peines quand on a le visage barbouillé.
Et puis faut rire, merde ! Faut pas se laisser aller, on n’est pas comme ce crétin de clown qui pleure sa peine et renifle sa misère comme un gosse crache son mollard sur le pavé mouillé.
Parce que…
On n’est pas des clowns. On n’est pas des clowns, dit…
Arlequin
Age : 45Gang : Les Paillard du désert Race : ZumainDate d'inscription : 17/07/2008
C'est quoi ces salades ? Et puis ce gros soupir, c'est quoi ? T'es triste ? Pourquoi t'es triste ? C'est idiot... On est bien, pourtant, enfin moi je suis bien. Mieux que je n'ai été depuis longtemps... Mon arbre, je ne veux pas te vexer, mais tes bras sont trop durs et trop rudes, j'avais besoin de bras comme ceux qui sont enroulés autour de mes épaules, là, et qui me serrent doucement... Et puis un coeur qui bat contre ma joue. Important, ça...
Mais le gros soupir, là, je suis pas d'accord... Et cet air triste non plus. Ca me rappelle la plage et quand j'ai joué à tirer sur tes traits pour les modeler en sourire. Je sais pas pourquoi, là je pense que je ne pourrais pas. Parce que d'une manière ou d'une autre c'était un artifice... Un artifice, un masque, du fard posé sur tes joues. Comme celui qui a l'air de te faire de la peine aujourd'hui... Du sourire en peinture, en tube de gras rouge, blanc, bleu vif. Du sourire de clown.
Regarde-moi, tu veux ? Si, si, allez, je me donne assez de peine à me tordre le cou pour que tu voies mon visage sans pour autant m'éloigner pasque j'ai pas du tout envie de m'éloigner, elors tu me regardes et tu m'écoutes s'il te plaît. J'ai viré les cheveux, là, ils sont derrière, ils ne cachent plus rien du tout. Donne-moi tes doigts, là, touche. Tu sens du gras ? Du fard ? De la peinture ? Les petites traces c'est rien, c'était juste de l'eau, elle est partie maintenant, mais même ça, c'était de la vraie eau, pas du maquillage. Touche. De la peau lisse et nue. Sans fard. Aucun artifice. Que du vrai.
Maintenant donne ta main, mais si, donne et touche le tien, de visage. Tu vois ? Tout nu aussi. J'y ai même pas mis de faux sourire cette fois, j'ai rien fait.
Redonne ta main. Là, comme ça, les doigts sur ma bouche. Tu sens ? Le sourire ? C'est un vrai de vrai. Je peux toucher un sourire de toi ? Vas-y, mes doigts attendent...
Un sourire ? Oui, sans doute. Mais… qui sait de quoi il sera fait ce soir, demain, hier.
Je me dis souvent que la joie du clown, ça doit être de se démaquiller, d’ôter se déguisement et de découvrir son visage, le vrai, celui qui ne fait pas rire, celui qui ne cherche pas à faire rire. Nu, il n’a plus besoin de se cacher derrière un masque qui enchante, il n’a plus qu’à se regarder droit dans le miroir, droit dans les yeux et peut-être que là, devant son miroir qui le regarde à l’abri des regards, ceux des autres qui jugent et assassinent, alors… alors là, seulement là, il peut être lui.
Je crois que pour le clown, le plus dur moment, ça doit être d’enfiler son déguisement, pas de l’enlever. L’enlever, ça fait mal, sûrement, mais s’habiller d’un accoutrement ridicule, devenir un autre le temps d’un jeu, d’une scène, de quelques farces, faire croire que tout va bien, alors que tout va mal, que la vie n’est pas si facile et que loin des pitreries cet autre jeu n’a pas la même saveur, parce que le spectacle doit continuer et même qu’un certain est mort sur sa scène. Mais lui, c’est pas pareil, lui, il était né clown, il n’a jamais su ce que c’est la vie quand on naît nu. Je te dirais pas son nom, c’est mon secret.
Mais toi… Que fais-tu perchée dans un arbre ? Tu crois que la vie est meilleure là haut ? Tu crois que personne ne peut plus t’atteindre et te faire mal ? Parce qu’ici, c’est trop haut et que la vue est belle, et qu’il n’y a que les oiseaux pour venir chanter des chants de marins ivres d’histoires qui font rêver. Et si, tu tombes… Si la branche sur laquelle tu as posé tes peines, avait soudain envie de se reposer, parce que c’est lourd la peine des autres, tu sais…
La chute sera longue, bien plus longue que d’en bas, là bas, tout en bas, auprès des autres, même ceux qui font mal sans le faire exprès, même ceux qui le font exprès. Mais, ceux-là faut s’en foutre, faut pas les regarder avec ces yeux là… non, faut se dire que la méchanceté possède ses raisons, et qu’au fond, c’est des clowns tristes, eux aussi. Et puis, regarder derrière le masque, chercher ce que même eux, ignorent. Et peut-être, oui, peut-être que tu y trouveras bien plus de générosité, bien plus de belles choses que n’importe où. Alors, faut pas rester là haut et passer à coté de ça…
Faut regarder le clown derrière sa peinture et son gros nez rouge, sinon, ça veut dire qu’on vaut pas plus que ces gens qui font mal pour faire mal, parce que faire mal c’est plus facile que de refiler un vrai sourire, un sourire qui fend le visage et qui donne l’envie de faire pareil, de sourire. Et puis, si y a rien derrière le masque, alors faut le plaindre, parce que sa vie doit être bien triste. Suffit de hausser les épaules et de se dire qu’il y a d’autres masques à découvrir et que lui, celui qui n’a pas de visage, qui n’est que ce masque faussement drôle et vide, surtout vide, il n’a qu’à aller se faire foutre.
Moi… je veux bien rester là haut, près de toi. On y est bien contre toi, il fait doux et chaud, c’est tout tendre comme un chamalow, ça sent bon la soupe de nos grands-mères, mais tu vois, j’ai pas envie de me péter la figure, j’aime pas les chutes trop longues, et pis… Y a tellement de masques à décrocher en bas, que j’ai peur de devenir moche et fade, si je reste là.
Mais, c’est toi qui vois, c’est pas comme si quelqu’un nous attendait en bas.
Arlequin
Age : 45Gang : Les Paillard du désert Race : ZumainDate d'inscription : 17/07/2008