Rouge marine

Beaucoup s'en doutent depuis un bon moment.
D'autres se le cachaient pour y croire encore.

On a tenté plusieurs manoeuvre de réanimation?
Massage cardiaque, insufflation, et autre tripotage peu courtois.

Rien n'y a fait.

On s'est fait beaucoup de mal ces derniers temps.
Beaucoup de mal a s'acharner.

Le concept de Munuroe avait un potentiel, mais nous, avions nous vraiment la compétence …

Je repensais à ce que quelqu'un nous a dit en claquant la porte. D'ailleurs, un écho s'est glissé par la fenêtre après son départ en haussant les épaules et en dandinant du cul : Nous sommes fragiles et vacillants comme la flamme d'une bougie, trop instables pour qu'on y consacre son énergie créatrice.
C'est difficile de répondre à un écho. ça vient de loin, c'est aussi franc qu'un …

Sujet: Re: Rouge marine Ven 20 Fév - 16:29

Je l'écoute babiller en souriant bêtement.
Ca fait du bien, ça évite un surplus de tension.
Je ne fais qu'à peine attention à l'étage et à ses feuilles carnivores et sixophages.
Si je ferme les yeux, je pourrais presque me croire danq les voiles.
Sauf qu'il y a l'odeur.

Nous voilà arriver...
Elle lâche mon bras.
Dernière plaisanterie, comme rempart.
Mais je pense pas à ma phytophobie, en ce moment.
Je pense plutôt à...
Non, faut pas..
Ca risquerait de tout gâcher...
Et elle en souffrirait
Faut pas...
Alors pourquoi je me penche ?
Faut pas...
En la regardant dans les yeux...
Faut pas...
Elle pourrait quand même se détourner, elle me cherche aussi elle...
Six ! Arrête!
Trop tard...
Un baiser..
Sur la joue.
Pfiouuuu... l'était moins une...
Ya pas, je suis un héros....
Je suis super fier de moi...
Et super frustré.

Sujet: Re: Rouge marine Ven 20 Fév - 19:48

Et moi donc...

Je l'ai regardé s'approcher, il avait ce reflet dans les yeux qui me fait penser au chat qu'on avait, quand il guettait les oiseaux, tapi dans l'herbe, juste avant de bondir... Un regard carnivore, aussi intense. Ca m'a carrément coupé le sifflet, pas moyen de trouver une dinguerie à sortir, j'ai juste réussi à m'incruster dans le chambranle de porte et à le regarder venir, toute pétrifiée.
Et puis j'ai senti l'odeur de sa peau et là je me suis dit que j'étais fichue.
Une frayeur pas possible, et en même temps une jubilation intérieure qui m'a encore plus foutu les jetons.
Parce que ça ne me ressemble pas, quoi ! Je ne suis pas une mangeuse d'homme, je sais même pas vraiment par quel bout ça s'attrape, tout ce que je sais, je le sais de Lymm...
Alors me découvrir cet appétit féroce, cette envie furieuse et qui se fout complètement du reste, du passé comme de l'avenir, tout ce qui n'est pas maintenant, ça me retourne complètement, c'est pas moi, ou c'est un morceau inconnu de moi, celui des rêves qui me font rougir le matin...

Il a été tout près de moi, immense, plus d'autre horizon, et à ce moment là j'en avais carrément rien à foutre de l'horizon. J'étais juste la fille en rouge qui ne sais pas au juste si elle veut devenir une pièce de menuiserie ou un instrument de musique entre ses mains... Juste dure comme le bois, à force d'être raidie, crispée, immobile.

Et puis ce contact léger, chaud, contre ma pommette, et il s'est reculé.

J'ai inspiré. Un peu trop convulsivement je crois.
Je l'ai laissé s'éloigner, et son odeur a quitté mes narines. Sa chaleur a déserté ma peau... Je me suis sentie seule comme une île au milieu de rien, perdue, mais je suis fière, j'ai rien montré, du tout, j'ai souris, un petit sourire bravache et mon menton tremblait qu'un tout petit peu.
Rigolez pas, c'était une performance.
Tout mon corps qui hurlait de faim, et moi je restais tranquille collée à mon chambranle de porte, j'ai même pas essayé de le retenir, j'ai même pas pleuré. Moi je dis que je peux être très fière de ça...
Pourquoi pas...
Faut bien que je me dise quelque chose de positif...

Donc j'ai souris, la frimousse levée vers lui, j'ai juste levé une main pour toucher son bras, lui dire adieu. Tout petit tout léger adieu.

Merci pour cette soirée...
Et puis pour m'avoir escortée aussi.

La taquinerie, encore, petite, légère, pas méchante, oh non, comment voulez-vous que je sois méchante...

Bonne nuit...

J'ai tourné la poignée de porte dans mon dos, je l'ai entrouverte, je m'y suis glissée. Je l'ai refermée sur un petit geste, un bisou-volant, envoyé avec le bout des doigts.

J'ai tenu jusque là.
Une fois le battant refermé, c'est là que je me suis décomposée en fait.
Je suis très fière de moi.
J'ai tout qui chavire et qui tourbillonne, la peau qui tremble, le ventre qui pince, le coeur qui tiraille et la gueule en larme, ça y est, mais j'ai tenu, j'ai tenu, je suis très fière de moi.
Très fière de moi.

Je crois que je vais me répéter ça pendant toute cette nuit où je ne dormirai pas.
Je suis très fière de moi.

Sujet: Re: Rouge marine Ven 20 Fév - 21:16

Je suis resté devant sa porte.
Oui, malgré les feuilles et tout.
Avec cette unique question en tête.
Pourquoi ?
Pourquoi ne pas avoir attrapé sa main lorsqu'elle était sur mon bras, pourquoi ne pas l'avoir enlacée, embrassée, entrainée dans sa chambre, repoussé la porte du pied, guidée vers le lit, contre moi, sur moi, sur
Stop.
Elle n'en avait sans doute pas envie...
Oui, sans doute.
Malgré son regard, malgré ses frissons, malgré le soulèvement affolé de ses seins sous son corsage, ses lèvres humides et..
Stop.
Respire.
Elle ne voulait pas.
Elle.
Parce que moi, j'ai les abdominaux contractés, la gorge sèche et le pantalon serré.
Et des fourmillements dans la main. Brulants.
C'est trop bête.
Autant en avoir le cœur net.
Il me suffit de frapper, d'entrouvrir la porte.
De goûter sa bouche à la cannelle. De..
Et je ne suis pas du genre à insister lourdement, bla bla...
Tu te souviens, marin ?
Peut être qu'en insistant tu pourrais.
Mais que gagnerais tu ?
Bien moins que ce que tu espères...
Alors je laisse pendre ma main.
Et le plus silencieusement possible,
Je m'éloigne.
La gorge étrangement nouée.
la poitrine bizarrement oppressée.

Sujet: Re: Rouge marine Ven 20 Fév - 21:52

Je sais même plus pourquoi.
Je me sens mal, c'est tout.
Je me sens idiote, sale, mauvaise.
J'aurais du.
C'est stupide.
C'aurait été doux, parfait, idéal.
Et normal, tellement normal.
Qui s'en préoccupe, hein ?
Pour qui ça importe ?
Personne.
Personne n'aurait eu à souffrir de rien.

Personne ?
Lève-toi et va à la fenêtre. La nuit se rafraîchit, ça va te faire du bien. Ca te calmera le sang.

Nan, je veux pas.
Je veux rester en tas par terre contre la porte, cette saloperie de porte fermée que je déteste, putain de merde, mais pourquoi pourquoi je l'ai pas pris par la main, idiote, c'est quoi cette poussée de vertu à la con c'est débile et ça sert à rien...

Chuuuuuuut...
Lève-toi et viens à la fenêtre je te dis.

Nan...
Pffff d'accord.

Je me lève et je vais à la fenêtre, en traînant les pieds, en me frottant les yeux de dos de la main, comme une môme. Et oui, c'est vrai, il fait frais, il fait bon, c'est beau à regarder.
Et j'en ai rien à foutre.

Je me remets à pleurer en silence, assise de travers sur le rebord.
Longtemps...

Et quand ça se calme un peu, j'essaie de me souvenir.
Et ça revient.
Le pourquoi du non.
Et c'est vrai que c'était la meilleure chose à faire, à long terme.
Même si ça fait mal à crier...

Il aime la mer et il a peur des arbres.
Moi j'aime les arbres et j'ai peur de la mer.
Et en plus j'ai un petit coeur bêtement fragile, une petite saleté toute molle qui se marque tout de suite dès qu'on appuie dessus... Il suffit que je repense à quelques épisodes passés pour me rappeler le mal que ça a pu me faire...
Beaucoup plus de mal, en fin de compte, et beaucoup plus longtemps.
Et c'était juste un baiser.

C'était la seule chose à faire.
Si je l'avais fait entrer ici, je me serais éveillée au matin, comblée, heureuse, femme. Et amoureuse de lui, à tous les coups.
J'aurais pas souffert tout de suite, j'aurais même trouvé que c'était merveilleux, sûrement.
Et puis il serait parti, sans doute sur un sourire, pour retrouver sa vie.
Et moi je serais restée, et j'aurais pas pleuré tout de suite, parce que la mienne, de vie, elle peut pas trop s'approcher des vagues.
C'était la seule chose à faire.

Mais je dois être maudite, putain de merde, maudite à toujours tomber sur le type le plus charmant du monde, et qui pour quelque raison critique, est aussi celui qui me convient le moins...

Assise sur mon rebord de fenêtre, je continue à pleurer.
En attendant que ça mette un peu de fatigue dans mon corps tourmenté...
Mais j'ai pas bon espoir...

Sujet: Re: Rouge marine