Sujet: Et ferme la porte derrière toi... Mar 9 Juin - 17:57 |
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C'est ça l'été? Les branches du cerisier qui verdissent? Les cerises qui se font bouffer par les oiseaux? Le vent et la pluie? Le temps qui file encore plus vite qu'avant? Et ce poids... Ce poids sur mes épaules qui ne cessent d'empirer? Parce que si c'est ça... Alors non. Je n'en veux pas.
Je connais toutes les rues, tous les passages. Toutes les portes ouvertes, tous les abris bus désuets. Tous les entrebâillements de fenêtres, tous les caniveaux humides. Tout. Oui, de cette ville, je connais tout. Je me suis glissé dans chaque pan d'ombre, derrière chaque recoin de mur. Je me suis faufilé dans les ruelles les plus étroites. J'ai même trouvé un chez-moi. Construit mon nid à fleur d'égout, avec un piano, un paquet d'allumettes et des rats pour compagnon. Je suis sorti tous les soirs. Non pas dans les boîtes les plus sélects. Non, je suis sorti vous tuer. Ratisser les artères au peigne fin au cas où... Au cas où, un passant aurait décider d'y séjourner. J'ai craqué de trop nombreuses allumettes. J'ai brûlé, brûlé encore et encore jusqu'à ce que de cendres il n'y en n'est même plus. Et j'ai pris mon pied à les regarder ces cadavres noircis par le brasier, les entrailles à l'air libre, léchés par les flammes.
J'ai rencontré des gens. Pourtant des amis? Je n'en ai pas vraiment, je n'ai jamais cherché à en avoir. J'ai fait ma vie, de mon côté. J'ai trouvé un peu de légitimité au sein de la Cour, parce que j'aimais ceux qui s'y trouvait sans jamais leur avoir dit. Je m'suis caché dans ce nid de lépreux et je m'y suis senti bien. Pas de compte à rendre, si c'n'est celui du pactole en fin de semaine. Pas d'interdit. La liberté, oui rien que ça, rien que la liberté. Liberté de se taire. Liberté de tuer. Liberté de haïr. Liberté d'être sauvage. Liberté de paraître. Liberté d'agir. Liberté de tout, d'aller et de venir, de fuir ou de faire du surplace. Liberté... Liberté d'être? Non... Celle-là devait venir de moi. Je devais la trouver toute seule. Et avec les casseroles que je traînais derrière moi, je vous avoue que j'en ai mis du temps. Oui. Jusqu'à aujourd'hui, cette liberté là, je n'la connaissais pas. Elle était à tout l'monde. Sauf à moi. Et j'ai trouvé la clef. Elle était pas bien loin remarquez, au fond de ma poche pour tout vous dire. J'avais enfoncé mon poing tout au fond, et elle est apparu comme par magie. Alors je l'ai sorti, je l'ai glissé dans la serrure. Et j'ai ouvert la porte qui menait... à moi-même. Ce que j'y ai vu ne m'a pas réjouit. Ça sentait le renfermé, le moisi. Ça empestait la fange, les non-dits et les pots de" douleur" s'alignaient sur les étagères, mal bouchés.
J'ai regardé tout ce fatras. J'ai tout détaillé, jusqu'au moindre grain de poussière. Parce qu'il fallait bien un jour ou l'autre que je me rende compte. J'ai regardé et j'ai sourit. Vous vous demandez pourquoi j'ai sourit? Je vais vous l'dire, c'est pas bien compliqué.
Y avait un rat. Un rat, oui un vilain rat immonde avec le poil gras, la moustache luisante, vautré dans le saumure de mon passé. A même le sol. Un gros rat puant qui me regardait de son œil vitreux. Ce qui m'a fait sourire, vraiment, c'était que sur sa tête il avait une couronne. Taillé dans un carton pour allumette... Il n'a pas sourit lui. Il a ouvert sa gueule aux dents noires et pointues et il m'a dit sur un ton qui n'admet pas d'équivoque. " Ferme la porte quand tu sors... Y a des courants d'air. " Sur le coup, vous pensez bien que je n'ai pas saisit. Mais j'ai fait ce qu'il me disait, j'ai fermé la porte à double tour. Et quand je me suis retourné, toute la portée de ses paroles m'est retombée dessus. Il n'y avait plus aucune ambiguïté. Plus aucune.
Tout ça, ne me ressemblait plus. Mon passé était celui d'une autre. La douleur, la souffrance, tout ça n'était plus que prétexte. J'étais... moi. Une larme a roulé sur ma joue. Elle a accroché ma peau, comme si elle refusait de souiller ce sol trop pur. Je l'ai essuyé d'un revers de manche. Et j'ai craqué ma dernière allumette.
Pour m'enflammer... A tout jamais.
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Piping
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