Les danseurs d'horizons font la peau à l'élu

Beaucoup s'en doutent depuis un bon moment.
D'autres se le cachaient pour y croire encore.

On a tenté plusieurs manoeuvre de réanimation?
Massage cardiaque, insufflation, et autre tripotage peu courtois.

Rien n'y a fait.

On s'est fait beaucoup de mal ces derniers temps.
Beaucoup de mal a s'acharner.

Le concept de Munuroe avait un potentiel, mais nous, avions nous vraiment la compétence …

Je repensais à ce que quelqu'un nous a dit en claquant la porte. D'ailleurs, un écho s'est glissé par la fenêtre après son départ en haussant les épaules et en dandinant du cul : Nous sommes fragiles et vacillants comme la flamme d'une bougie, trop instables pour qu'on y consacre son énergie créatrice.
C'est difficile de répondre à un écho. ça vient de loin, c'est aussi franc qu'un …

Alors, c'est qui le "petit rat" maintenant ?! Hein ça oui !

Bon d'accord, toute seule je ne serais pas arrivée à lui faire grand chose, ça non. Et je ne serais même pas allée m'y frotter, je ne suis pas suicidaire.
Mais contre l'équipage, ça oui, il fait quand même moins le malin, le soit disant élu de la déesse machin ! Il s'imaginait peut-être quand nous faisant peur, on allaient gentiment adhérer à sa secte, comme des braves bêtes, ça oui ? Ben voyons !

La bataille était bien laborieuse ça oui.
En vérité, j'arrivais à peine à m'en approcher qu'il me repoussait au loin d'un coup de coude, ça oui. Alors j'ai choisi un rôle plus à ma hauteur, ça oui : porter secours aux blesser. Quelques bons soins et hop, ça repars à la charge, ça oui. Et quelle charge, ça oui ! Je revois encore cette petite sylpheline bleue de rage ne lui laissant aucun répis, ça non, accrochée comme un piranha à son bout d'viande ! Combien de fois j'ai eu peur qu'il ne l'écrase comme un insecte, ça oui.
Ensembles on a tenu la distance, ça oui, tant et si bien que c'est en courant qu'il finissait de tenter de sauver sa peau, ça oui.

Jusqu'au coup fatal porté par Six, ça oui. Pour le coup, il a de la gueule le capitaine, ça oui... enfin, mis à part les quelques ecchymose, ça oui, plaies, fractures... bof, trois fois rien, enfin rien que je ne puisse lui arranger. Il a prix cher mais il s'en remettra.

Le guerrier a lâché son épée en même temps que son dernier souffle, ça oui.
Belle objet, ça oui. Mais qui pèse trois tonne ! C'est tout juste si j'arrive à la soulever.
Et je suis claquée ça oui aussi. Ça a peut-être pas l'air comme ça, ça non, mais d'aller leur courir après en pleine bataille pour les soigner avant qu'ils crèvent, c'est pas de tout repos, ça non.
Ça mérite bien un petit remontant ça oui. D'ailleurs, je propose qu'on aille fêter ça, ça oui. Je vais aller charger les boissons sur la jonque, ça oui.

J'avais comme tout le monde, entendu les rumeurs, comme des brises de terre, puis les grondements d'orage en provenance du temple des Dieux.
Des fâcheries d'immortels.
Lymbia la haineuse en guerre contre le vice et contre son père. Banda sollicitée. Odieu prié par ses fidèles de participer.
Rien qui ne m'intéressait vraiment, aucun profit envisageable pour mon équipage.
Des bisbilles de tout puissants qui étaient loin de nos petites préoccupations de mortels.

Jusqu'à ce jour.

Ce jour à l'auberge de Lonedonne. La soirée qui avait bien débuté, parmi les habitués, les récents immigrés aux vêtements de toile grossière, les matadors et les discrets, les oiselles et les pudiques.

Il était entré, flamme sombre et haineuse.
Méthodiquement, avec application, avec d'amples mouvements mécaniques, le visage impassible, il avait tailladé les chairs, brisé les os, répandant sur le sol humeurs visqueuses, sang et sanies.
L'auberge s'était remplie de hurlements de douleur incrédules, de pleurs et de suppliques. une odeur de boyaux, d'excréments et de métal s'était répandue telle un serpent avide et malfaisant.
Et lui, concentré sur sa tâche, les yeux brillants, se repaissant de la mort.
J'avais bien tenté de réagir, de dégainer mon épée, de courir vers la sortie, laissant les héros tenter de l'affronter.

Un seul geste et son épée comme un éclair glacé dans mon ventre. Une torsion négligente du poignée et une déchirure acide qui me fracasse le sternum et son regard amusé qui répond à mon air hébété tandis que mes tripes se répandent sur le sol.
Je mourus, cette nuit là, cadavre anonyme au milieu du charnier, mes organes explosés mélangés aux morceaux de tous les autres.
Cette nuit là, je décidai de me venger.

Je me redressai au paradis, physiquement indemne mais l'âme noircie. Je n'écoutais même pas le discours courroucé de Dieu, son appel à la riposte. Ce n'est pas pour Dieu que je traquerai la bête. C'était pour cette épée qui me pénétrait comme on force une innocente, cette mort donnée comme on écrase un moucheron.
Pour cela il paierait.

J'étais revenu à la jonque. Mon équipage... Beaucoup avaient subi le même outrage. Nérine, elle, avait survécu. Et ça l'avait très énervée, d'être ainsi négligée...
Alors nous échafaudâmes nos plans, le cœur glacé comme la haine, givré comme la Vengeance.
Nous nous sommes relayés nuit et jour pour épier, guetter la bête...

Jusqu'à aujourd'hui.
Aujourd'hui où, silhouette obscure, il passe devant moi, se dirigeant vers le temple des Dieux.
J'ai juste le temps de héler Youtcha et Nérine. Nous le suivons, ombres vengeresses.

Au nord de Lonedonne, il nous attend, un rictus de dédain balafrant son visage lisse.
D'un rire, il repousse la sylpheline, d'un geste, il bouscule la gobeline.
Mais Je l'attend. Je suis prêt.
Qu'il sente mon fer riper sur ses os, taillader la chair blême.
Longtemps nous luttâmes, tantôt enlacés comme d'obscènes amants mélangeant leurs haleines, tantôt à distance, nous observant, haletant. Il courut parfois, parodie de fuite accompagnée d'un ricanement mais toujours j'étais sur ses talons, guidé par ma fée électrique.
Il était fort bien sûr, bien plus que moi mais j'avais mes deux compagnes qui incantaient leurs sortilèges de guérison, soignant mes plaies au fur et à mesure qu'il me les infligeait.

Enfin, il mit un genou à terre, enfin, je levai d'un bras gourd une dernière fois mon épée.
Une lueur argentée qui s'abat, un dernier sourire échangé et il retourne dans ses limbes qu'il n'aurait jamais du quitter, laissant sur le sol rougi son épée d'acier.

On ne s'attaque pas aux Danseurs d'Horizons.
On se croisera de nouveau.
Heeliad.

J’ai longtemps marché hors de cette ville protégée par les dieux, à la recherche des plus courageux, ceux qui ne se cachent pas sous la bénédiction d’un dieu.

A l’orée de cette ville, j’ai croisé ces « Danseurs », je crois que c’est ainsi qu’on les nomme.
Il y avait cette toute petite chose qui me tournait autour. Je n’en avais encore jamais vu de telle sur aucun des mondes que j’ai pu parcourir. Celle là, je l’avais déjà épargné, et je l’ai encore fait. Elle serait le témoin de mes actes, pour ma reine, la déesse Lymbia.
Je l’ai bousculé, poussé, chassé du combat qui s’engageait pour qu’elle témoigne, pour qu’elle survive, mais elle est revenue sans cesse, petite guerrière têtue.
Et puis, il y avait cette drôle de petite femelle avec des ailes. Elle est restée là pendant tout le combat. J’aurais pu l’abattre d’un coup d’épée, mais il y avait l’autre… Celui là, m’a frappé, plus d’une fois.

Les habitants de ce monde ne sont pas aussi forts qu’ailleurs et je comprends la colère de ma reine, ils sont mous, faibles, lâches et ils fuient quand on brandit l’épée. J ‘ai vu ce géant s’approcher sur la pointe des pieds, pourtant si grand, si fort, si puissant.
Mais il a couru, il est parti quand je l’ai pourchassé faisant fi des coups du mâle, ses coups qui m’ont affaibli, à force.
Quand le géant à surgi pris d’un instant de courage devant un combat à trois contre un, le lâche à voulu frapper, mais j’ai enfoncé mon épée dans son ventre avant qu’il n’ait le temps de lever un poing, un bras, une arme, que sais-je, il est mort. Je suis rapide, j’ai appris à l’être, et je frappe sans pitié, sans regret, j’ai appris ça aussi. Lui était lent et mou, comme tous les habitants de ce monde !
Mais pas eux, les Danseurs.
Ils dansaient… Les femelles ont su détourner mon attention.
J’ai senti la lame froide pénétrer dans mes chairs.
Cette fois, j’ai eu mal à hurler.
J’ai retenu ce cri, un guerrier ne crie pas ; il tombe à genoux, l’arme serrée entre ses mains, droite devant son visage, prêt à recevoir le denier coup, ultime et définitif.
Il a frappé, je suis tombé, vaincu.

Peut-être existe-t-il en ce monde des êtres de valeur.
Si c’est le cas, alors celui là en est un, et ces Danseurs, je devrais m’en méfier, désormais.

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